Achdichad, ancien sanctuaire païen, a sans doute accueilli la première église fondée en Arménie par saint Grégoire l’Illuminateur au début du IVe siècle. Là ont été accueillies les reliques du saint Précurseur Jean-Baptiste et de saint Athénogène, que l’Illuminateur aura aussi réparties entre les monastères du Saint-Précurseur (n° 53) et de Saint-Jean (n° 56). Première résidence des catholicos de la famille de Saint Grégoire, alliée elle-même à celle des dynastes Mamigonian du Darôn (la Taronide), Achdichad a représenté l’ancrage initial de la tradition grégorienne dans cette région, où préexistait un christianisme d’origine syrienne. Leur rencontre est symbolisée par la nomination à Achdichad du chorévêque Daniel le Syrien (Taniel Asori, † 347), dont le proche monastère de Saint-Daniel de Gop‘ (n° 58) aussi bien que le Tombeau des Neuf Saints de T‘ortan (n° 47) revendiqueront la sépulture. Achdichad a accueilli pour sa part la sépulture de saint Sahag le Grand – dernier catholicos (387-438) de la lignée de saint Grégoire l’illuminateur – dont le nom se trouve associé avec celui de saint Mesrob Machdots à la création, vers 404, de l’alphabet arménien. Saint Sahag s’est encore illustré en s’érigeant en défenseur visionnaire de la royauté arménienne arsacide (Archagouni), dont le dernier représentant, Ardachès IV, est déposé par le souverain perse à la demande même des dynastes arméniens en 428. Retenu lui-même en Perse à cette date, Sahag le Grand finira par être rétabli dans son sacerdoce en 435 avant d’achever ses jours trois ans plus tard. La célèbre « Lamentation sur la perte du trône d’Arménie pour la dynastie des Arsacides, et de l’archiépiscopat pour la famille de saint Grégoire » qui clôt avec l’an 439 – date de la mort de saint Mesrob – le dernier Livre de l’Histoire de l’Arménie du père de l’historiographie arménienne, Moïse de Khorène (Movsès Khorénatsi, fin du Ve siècle ou fin du VIIIe ?), a fixé pour longtemps l’incarnation par saint Sahag d’une singularité identitaire des Arméniens fondée sur la foi, sur la conscience collective, la langue et l’écriture.
Connu sous le nom de Hachdits Vank‘ ou Couvent des Sacrifices, Achdichad a été détruit pendant l’invasion arabe, puis reconstruit par les Mamigonian pour être ruiné à nouveau, vraisemblablement à l’époque de Tamerlan. C’est au nord de Mouch [Muş], au delà de l’Euphrate oriental ou Aradzani [Murat Çay], près de la localité de Dérik‘ [Yücetepe], à 38° 58' N et 41° 27' E, que se trouvaient ses ruines. L’église principale mesurait environ 14 × 12 m. Au sud de cette l’église et entouré de stèles à croix, se trouvait le martyrium de saint Sahag, qui abritait, outre sa sépulture, celle de sa fille Chouchan, la mère de Vartan Mamigonian, chef de l’insurrection arménienne de 451 contre les Perses (v. n° 53). Les restes de deux autres églises étaient visibles à l’ouest et au nord-ouest de la première. En 1810, le supérieur du Saint-Précurseur de Mouch, Mgrditch de Van (Mgrditch Vanétsi), fit rénover ou reconstruire le martyrium par l’architecte Simon de Paghèche [Bitlis] (Simon Paghichétsi). Son accès se faisait par la chapelle en bois qui précédait, d’où un escalier situé au nord de l’autel y descendait comme dans un caveau. L’administration de ces lieux était confiée au monastère de Madravank‘ ou Madnavank‘, un prieuré du monastère du Saint-Précurseur. La tombe de saint Sahag était constamment visitée par les fidèles, et plus particulièrement les jeudis de la semaine sainte et de l’Ascension.
Les ruines d’Achdichad ont disparu. Du martyrium de saint Sahag, dont presque la totalité des pierres de couverture et de parement ont été arrachées, il ne reste que la masse informe du remplage des murs et de la voûte. Aucune stèle n’est plus visible à l’entour.
Épriguian, 1903-1905, I, 231-234. Loussararian, 1912, 99. Oskian, 1953, 260-261. Mahé, 1993, 320-324. Der Garabédian, 1995, 355-356.