L’ermitage ou le désert de Lim [Adır-Yaka Adası] est bâti sur l’île homonyme du lac de Van, la plus grande des îles de ce lac, située à peu de distance de sa rive orientale, à 38° 52’ N et 43° 21’ E.
La fondation de l’ermitage de Lim serait antérieure à 884 selon les indications d’un manuscrit des XIII-XVe siècles. L’ermitage est attesté en 1301 et demeurera jusqu’au XXe siècle un scriptorium et un couvent actifs. L’église principale, dédiée à Saint-Georges, a été rénovée ou reconstruite en 1310 par le catholicos Zacharie Ier d’Aghtamar (Zak‘aria, 1300-1336), issu de la branche Séfédinian de la famille royale Ardzerounide du Vasbouragan. Parmi les prieurs célèbres de Lim, figure le poète Zacharie de Knounik († après 1576), un contemporain du poète et catholicos Grégoire Ier d’Aghtamar (Krikoris Aght‘amartsi, catholicos de 1512 à 1545). La communauté de Lim est revitalisée au XVIIe siècle avec l’arrivée du prieur Nersès de Mogs (Nersès Mogatsi, 1622-1627) et compte alors plus d’une soixantaine de moines. L’impulsion donnée par Nersès de Mogs a permis d’établir à Lim une puissante école monastique et philosophique dont l’influence a été sensible jusqu’au XIXe siècle. En grande partie brûlée ou jetée à l’eau en 1538 par le commandant de la forteresse de Van, Gogdja Sultan, la bibliothèque de Lim s’est peu à peu reconstituée et comptait en 1693 3.124 ouvrages, essentiellement des manuscrits. Après divers mouvements, sa collection s’établissait vers 1900 à 550 manuscrits et environ 3.000 imprimés. Fait singulier, en dépit de l’introduction de l’imprimerie chez les Arméniens dès 1512 – mais son entrée dans l’Arménie ottomane n’a été possible qu’en 1857 – le scriptorium de Lim était encore en activité en 1914. Lim a été pillé en 1848, 1896 et, une dernière fois, en 1915. Dans la seule bibliothèque de L’Institut Machtots des manuscrits anciens d’Érévan dit Madénataran, se trouvent aujourd’hui 306 manuscrits provenant de Lim.
Plan (Thierry, 1989, 181)
Le complexe monastique de Lim comprend l’église Saint-Georges, *édifice en croix inscrite à tambour polygonal à décor de pilastres et coiffe pyramidale à cannelures, construite en 1310 ; un vaste narthex à quatre piliers centraux édifié à l’entrée ouest de l’église en 1766 et précédé d’un clocher ; enfin, la chapelle Saint-Sion, une mononef à coupole attenante au narthex côté nord mais datant vraisemblablement du IXe ou, tout au moins, du début du XIVe siècle. Il faut y ajouter un ensemble de bâtiments constituant le Bas-Lim (Nerkin Lim), et le cimetière, qui abrite de nombreuses stèles à croix et sépultures anciennes, dont celle de Nersès de Mogs. Le domaine de l’ermitage de Lim comprenait la totalité de l’île, où s’étendaient potagers et vergers, ainsi qu’une Maison extérieure située sur le rivage opposé (Trsi doun) et des propriétés à Van. De l’ermitage de Lim dépendaient aussi les prieurés de Notre-Dame (Khatoun Diramor Vank), d’Édchmiadzni Vank, de la Sainte-Mère de Dieu (Sourp Asdwadzadni Vank) et de Saint-Sahag d’Érérin (Érerna Sourp Sahag), situés près du rivage ou dans la montagne de Khatchkloukh entre les îles de Lim et de Gdouts. Les couvents de Lim et de Gdouts constituaient ensemble en 1915 un unique siège abbatial rassemblant 25 paroisses et 32 églises, rattaché au Patriarcat arménien de Constantinople. Le dernier supérieur de Lim a été le P. Hovhannès Hussian : on lui doit le sauvetage, en 1915-1916, de 1450 manuscrits anciens conservés dans les monastères du lac de Van, ainsi que dans les églises de Van et de ses alentours. Un nombre supérieur de manuscrits n’ont malheureusement pu échapper à la destruction.
Vue générale sud-ouest, avant 1912 (Fonds Congrégation mekhitariste de Vienne).
Confisqués depuis la Grande Guerre, l’ermitage de Lim et ses domaines ont été laissés à l’abandon et dévastés. Le monument a été, semble-t-il, dynamité ou bombardé. L’église Saint-Georges, debout jusque dans les années 1950, est presque totalement détruite, le narthex est en partie effondré et le clocher a été abattu ; le cimetière a été fouillé et ravagé ; *subsiste la chapelle Saint-Sion. Le Bas-Lim est à l’état de ruines. Parmi les prieurés de l’ermitage de Lim, seul Saint-Sahag conserve encore sa petite église. Les autres ont tous été détruits.
Narthex et emplacement de l’église au premier plan, 2011 (Coll. P. Maguesyan).
Oskian, 1940-1947, I, 3-51. Thierry, 1989, 172-175, 177-184. Devgants, 1991, 258-265.