C’est à l’extrémité orientale de la presqu’île de Gaboudgogh [Akkül Dağı] et au nord-ouest du village de Mokhrapert [Göründü Köyü], à quelque 2000 m d’altitude, que se situe le Désert de l’Ermite, sur les pentes d’un étroit vallon qui débouche sur la rive sud du lac de Van, à 38° 22’ N et 42° 54’ E. Ces lieux ont sans doute été placés dès le milieu du XVe siècle sous le vocable du saint Signe, ayant été dépositaires d’un fragment du bois de la Croix. Celui-ci était conservé dans le reliquaire de la Gemme Rouge (Garmir Ag’n, par contraction Garmrag), reliquaire surmonté d’une pierre de cette couleur, par lequel le couvent s’est trouvé désigné. Cette relique – le Saint-Signe (Sourp Nëchan) à la Gemme Rouge – revendiquée auparavant par le monastère d’Arkélan (n° 5), est mentionnée en 1461 dans un couvent des Pentes (Goghouts Vank‘ ) et en 1644 dans un désert d’Anen (Anen Anabad ), auxquels le désert de l’Ermite a été de ce fait identifié. On la découvre plus tard à Paghèche [Bitlis], où elle donnera son nom à l’église – aujourd’hui en ruines – de la Sainte-Mère de Dieu « À la Gemme Rouge » (Garmrag(’n) Sourp Asdwadzadzin). On trouve cette dénomination appliquée aussi au désert de l’Ermite, dont l’une des églises est consacrée à la Vierge.
Vue générale, 2016 (Coll. privée).
La tradition fait remonter la fondation de ce désert à l’époque du roi du Vasbouragan Kakig (=Gaguik) (908-943), dont il aurait accueilli les retraites. Le monastère comprend deux églises accolées dont la plus petite, à en juger par ses caractéristiques, pourrait être antérieure à cette époque. Dans la seconde, de construction postérieure, une stèle à croix gravée par le prieur Thaddée (T‘atéos), aujourd’hui insérée au-dessus d’une fenêtre, porte la date de 1306. D’autres sont datées de 1347, 1371, 1476 et 1479. Au désert de l’Ermite est attaché le nom d’un saint anachorète Isaac (Sahag), enseveli non loin, auquel un miracle avait rendu la vue ; sur son lieu de prière, situé plus à l’ouest, à proximité du village de Kantzag [Altınsaç Köyü], a été créé un ermitage, ou un prieuré, agrandi en 1608, qui a abrité un petit scriptorium aux XVI-XVIIe siècle. Le couvent de la Gemme Rouge a été pillé en 1895.
Le désert de l’Ermite ou couvent de la Gemme Rouge est composé d’une église primitive (A), une mononef de 8,5 × 5,3 m à voûte en berceau brisé, niches latérales sous arcatures et abside outrepassée ; de l’église de la Sainte-Mère Dieu (B), mononef à coupole sur tambour et niches sous arcatures de 12,9 × 7,8 m accolée au mur sud de l’église primitive et communiquant avec cette dernière, très probablement remaniée aux XIII-XIVe siècles et restaurée en 1872 ; d’une enceinte à laquelle sont adossées des cellules, côté ouest.
Plan (Thierry, 1989, 296)
Confisqué après la Grande Guerre, « Garmrag Vank‘ » a été laissé à l’abandon. Dans les années 1970, il servait de bergerie. L’enceinte était effondrée mais les églises restées relativement en bon état. L’ensemble s’est, depuis, considérablement dégradé. L’ermitage de Saint-Sahag est, pour sa part, arasé.
Épriguian, 1903-1905, II [1905], 333-334. Oskian, 1940-1947, I, 184-187. Thierry, 1989, 294-298.