Le monastère de la Sainte-Mère de Dieu de Tadem [Tadım], ou de T‘lgadin [Kuyulu], des noms de deux localités voisines, se trouve au sud de Kharpert [Harput], à 38° 34’ N et 39° 10’ E. En contrebas de l’éminence de Tchedj Guédoug [Çec Tepe], il domine tout un bras de la plaine de Kharpert, faisant vis-à-vis aux montagnes qui, au sud-est, abritent en altitude le lac de Dzovk‘ [Gölcük]. On l’atteint en empruntant au nord de Tadem le vallon d’Alodji Tzor et en redescendant, au-delà, la montagne de Mayram. Tadem a été, au tournant des VI-VIIe siècles, le chef-lieu de la IVe Arménie byzantine (Dadima).
Le plan singulier et les dimensions réduites de l’église apparentent celle-ci à certaines constructions du VIIe siècle ; le narthex où elle débouche à l’ouest, assez semblable à celui du proche monastère de Saint-Georges de Khoulé (v. n° 63), lui a probablement été adjoint entre le XIIIe siècle et le XVIIe siècle au plus tard. Un témoignage, peut-être apocryphe, mentionne en 1255 l’abbatiat à Saint-Georges de Khoulé de l’archevêque Michel (Mik‘ayel), au cours duquel ce monastère, celui de Saint-Abdelmeseh de Zartaridj [Değirmenönü] et celui de Tadem sont simultanément rénovés. Cité dans les textes en 1628, 1651 et 1775, le monastère de la Sainte-Mère de Dieu de Tadem a abrité pendant un certain temps l’archevêché de Kharpert, établi en principe à Saint-Georges de Khoulé. Quand ils n’ont pas été simultanément les abbés de Saint-Georges de Khoulé, ses supérieurs ont été le plus souvent chorévêques. Neuf villages des alentours lui étaient directement rattachés. Une communauté y est attestée en 1852 ; mais à partir des années 1870, le monastère est administré par un régisseur et, peu après, par un prêtre séculier. La liste des supérieurs de la Sainte-Mère de Dieu de Tadem et de Saint-Georges de Khoulé, primats diocésains de Kharpert, a été reconstituée avec quelques lacunes de 1551 à 1915. Déporté en 1915, le P. Bsag Der Khorénian a été le dernier titulaire de ce siège avant la Grande Guerre.
Vue intérieure de l'église vers le narthex, 2012 (Haycar).
L’ensemble monastique est composé :
• De l’église de la Sainte-Mère de Dieu, en carré tétraconque sans appuis libres surmonté d’un tambour et d’un dôme, type apparu au VIIe siècle dans l’architecture arménienne. Ses dimensions extérieures sont de 4,6 m dans les deux axes. L’autel était placé sous un baldaquin de bois sculpté, lui-même surmonté de trois autres plus petits, abritant de part et d’autre deux icônes représentant saint Grégoire l’Illuminateur et saint Étienne. Ce type de baldaquin se rencontrait également dans les monastères voisins de Saint-Georges de Khoulé et de Sorsor (n° 65).
• D’un narthex plus tardif à quatre colonnes monolithes et lucarne, englobant la conque ouest de l’église et composant avec celle-ci un bloc de 8,4 m d’est et ouest. Il est flanqué côté sud d’une petite salle indépendante de 2,1 × 2,4 m, probablement la bibliothèque. Un porche en bois protégeait l’entrée du narthex.
• De bâtiments communs adossés à une enceinte. Ceux-ci comprenaient moins d’un dizaine de cellules disposées sous une terrasse à laquelle on accédait par un escalier donnant dans l’avant-cour, tandis qu’un second escalier permettait de redescendre plus loin dans la cour de l’église. Une grande stèle gravée de croix faisait face au portail de l’enceinte.
• D’une fontaine thaumaturge aménagée sous une arche à l’extérieur de l’enceinte, à quelque 20 m du portail.
• D’un cimetière extérieur situé à proximité du portail.
Le monastère possédait des manuscrits et d’importants biens fonciers. On s’y rendait en pèlerinage à l’Assomption.
Il n’y a plus aucun vestige des communs, à l’emplacement desquels s’étendent désormais des cultures potagères. L’église, qui était remarquablement conservée, aujourd’hui à l’abandon, a perdu un grand nombre de pierres de son appareil extérieur ainsi que la couverture pyramidale de son dôme. Des cavités ont été creusées dans plusieurs parties du narthex dont, par ailleurs, les colonnes ont été entaillées à leur base et ne reposent plus que sur la partie centrale de leur section. Plusieurs ouvertures sont devenues des passages béants. Des fosses, qui avaient été creusées à l’intérieur du narthex et de l’église, ont été récemment comblées. Hormis le monastère, le village de Tadem possédait encore deux églises, toutes deux aujourd’hui démolies.
Plan (d’après J.M. Thierry).
Mekhitarian, 1958, 8-17, 24-25, 98-99, 105. Vahé Hayg, 1959, 65, 535-549, 579, 583. Oskian, 1962, 87-91. Chahbazian, 1967, 14-15, 122-123, 136-137. Kaloosdian, 2015, passim.