Dédié à saint Jean-Baptiste (Sourp Hovhannès Mgrditch), le monastère d‘Amirdôl s’élevait dans un quartier homonyme de Paghèche [Bitlis], à 38°24' N et 42° 05' E, blotti dans un vallon à l’extrémité sud-ouest de la ville, en bordure de la rivière Khotsérov ou Khosrovou Ked [Amrdol Çay, Khosrov Çay]. Cette dédicace a fait supposer qu’Amirdôl était la déformation d’Amlorti « Fils de la stérile », expression renvoyant au témoignage évangélique sur la naissance de Jean-Baptiste. Écrit aussi bien Amirdawl, Amirdôl n’est peut-être qu’une variante du nom Amirdovlat‘. Un certain Amirdôl, frère d’un riche marchand d’Ardjèche [Erciş], khodja T‘adjadin, est attesté entre 1437 et 1455. À cette date, un copiste exécute pour lui un évangéliaire sur l’ordre de l’abbé Lazare (Ghazar), précisément « au monastère de Paghèche qu’on surnomme Amirdôl ». Celui-ci comprend alors deux églises : Saint-Jean et Sainte-Sion. Arakel de Paghèche (Arakel Paghichétsi), qui deviendra abbé du monastère des Grands Noyers d’Ergan [Ergen, Geçimli] (n° 62), et le célèbre évêque d’Amida (Dikranaguerd [Diyarbakır]) Mgrditch Naghache (v. n° 67), semblent y avoir séjourné au XVe siècle.
Saint-Jean d’Amirdôl est en réalité l’un des quatre monastères établis à Paghèche ou dans son voisinage immédiat, lesquels ont tour à tour fait briller en cette ville un foyer que l’historiographie a convenu d’appeler l’École de Paghèche. Après les dévastations causées par chah Ismaïl au début du XVIe siècle, notamment de 1511 à 1513, la région finit par être intégrée à l’empire Ottoman. C’est le monastère de la Sainte-Mère de Dieu Khntragadar (« Qui exauce la prière ») qui apparaît dès lors au premier plan et s’y maintient jusqu’à la fin du siècle. Parallèlement l’activité scripturaire a repris à Amirdôl, renouveau auquel Basile d’Aghpag (Parsegh Aghpaguétsi, † 1615), lui-même issu de l’école de la Sainte-Mère de Dieu, donnera un élan décisif en rénovant entièrement les lieux et en y promouvant un enseignement ouvert au sciences profanes. Le relais sera provisoirement pris dans les années 1640 par le monastère de Komk‘ (Komots Vank‘) – siège de l’archevêché – dont l'archevêque Mesrob de Paghèche (Mesrob Paghichétsi) achèvera de restaurer l’église en 1681, avant que celui d’Amirdôl ne s’impose, sous l’autorité du docteur Khatchadour de Paghèche (Khatchadour Paghichétsi, † 1662), dit le Grand, et de son élève et successeur Vartan de Paghèche (Vartan Paghichétsi, 1620 ?-1704).
L’abbé Vartan de Paghèche, né à Khoghtz [***], est l’une des importantes figures de la renaissance arménienne du XVIIe siècle et le plus illustre représentant de l’École de Paghèche, à laquelle il assignera, au-delà de l’étude et de la formation, une impérieuse mission de sauvetage des écrits anciens. À ce projet sont initialement associés l’archevêque Mesrob, qui lui a conféré le rang de docteur, et un autre des disciples de ce dernier, David de Paghèche (Tavit‘ Paghichétsi, † 1673), établi à la Sainte-Mère de Dieu. On les retrouve tous trois, en 1669 et 1673, dans l’île de Lim, haut lieu de conservation des manuscrits (n° 3). À Amirdôl, où il entreprendra de nouveaux travaux, restaurant notamment l’église Saint-Jean en 1692-1694 avec le concours de baron Khatchmanoug, Vartan de Paghèche fait recopier ou compléter de nombreux manuscrits détériorés : il s’est assuré pour cela le service du copiste et relieur Sahag de Van (Sahag Vanétsi), qui restaurera à Amirdôl 74 volumes anciens ; plus particulièrement, il fait rechercher, rassembler et reproduire les textes rares, surtout les œuvres délaissées des historiens, sur lesquelles il porte une attention foncièrement renouvelée. Son catalogue des ouvrages didactiques du monastère d’Amirdôl recense 194 volumes ou groupes de volumes, manuscrits et imprimés. Dans le dernier quart du XVIIe siècle, l’École de Paghèche est désormais représentée par l’université monastique d’Amirdôl : un mémorial y compte en 1676 une communauté de quatre-vingt-quatorze personnes, dont 40 novices.
Appelé en 1670-1671 aux Saints-Apôtres de Mouch [Muş], Vartan de Paghèche en redresse la situation financière, y entreprend des travaux de rénovation et, là encore, confie à Sahag de Van la restauration des manuscrits anciens du monastère (v. n° 54). En 1676 il est nonce du catholicossat d’Édchmiadzin en Darôn – la région de Mouch – et en 1678 nonce du patriarcat de Jérusalem à la Nouvelle-Djoulfa (Isfahan). Si l’École de Paghèche illustre un mouvement dont l’origine remonte indéniablement au premier quart du XVIe siècle, son rayonnement ultérieur, à une époque où s’éclipse l’école de Tchënkouche [Çüngüş] (v. n° 79), devra beaucoup à la personnalité de Vartan de Paghèche et se perpétuera à travers l’activité d’un grand nombre de ses élèves. Ceux-ci vont essaimer dans tout le monde arménien et, pour la plupart, devenir à leur tour des enseignants et administrateurs lettrés. Longtemps à leur tête, Abraham d’Amida (Apraham Amt‘étsi, † 1681), qui accompagne Vartan dans la plupart de ses missions, ne pas lui a pas survécu. D’autres au contraire, plus jeunes, vont poursuivre en d’autres lieux l’œuvre amorcée à Amirdôl. Devenu dès 1704 abbé du Saint-Précurseur de Mouch (n° 53), Grégoire de Chirwan (canton situé au sud de Paghèche, Krikor Chirwantsi), sera nommé quelque dix ans plus tard patriarche de Jérusalem (Grégoire VII, dit Chëght‘ayaguir « l’Enchaîné », 1715-1749) ; Jean le Petit (Hovhannès Golod), qui l’a suivi au Saint-Précurseur, deviendra pour sa part patriarche de Constantinople (1715-1741). Markaré d’Erzeroum [Erzurum] (Markaré Arzroumtsi) et Garabed de Sbarguerd [***] (Garabed Sbarguerdtsi) se succéderont à la tête du couvent Rouge de Hintzk‘ (n° 37). Sarkis d’Amida (Sarkis Amt‘étsi), d’abord abbé du monastère de Saint-Conon de Sëghert [Siirt] (Sourp Gononos), entreprendra en 1707 la restauration du monastère de l’Oseraie ou de Saint-Jean de Mouch (n° 56). Quant à Abraham de Kegh (nom d’un canton arménien situé à l’est de Nëpërguerd [Mîyafarkîn, Silvan], Apraham Kéghétsi), neveu de Vartan de Paghèche, il sera successivement, à Mouch, abbé des Saints-Apôtres en 1708 et du Saint-Précurseur en 1716, avant d’accéder à Édchmiadzin à la dignité pontificale (Abraham II, 1730-1734).
Si l’École de Paghèche décline après la disparition de Vartan, c’est dans le monastère d’Amirdôl, qui en aura conservé le renom, que finit par s’établir vers le tournant des XVIIIe-XIXe siècles l’archevêché de Paghèche : titulaire du siège dans les années 1825-1850, l’archevêque Vartan dont le patriarcat de Constantinople doit contenir les prétentions sur Saint-Daniel de Gop‘ [Bulanık] (n° 58), est assurément l’abbé d’Amirdôl. Toutefois ce siège sera fixé plus tard dans l’église Saint-Cyriaque ou du Saint-Signe « À la gemme Rouge » (v. n° 18), auparavant restaurée en 1844, tandis que l’église Saint-Jean du monastère servira d’église paroissiale au quartier d’Amirdôl. Dans l’intervalle, quelques années avant 1878, l’église Sainte-Sion située au nord de l’enceinte est confisquée et transformée en mosquée. Le monastère est saccagé pendant les massacres de 1894-1896 ; mais en 1900, un peu moins de cent manuscrits anciens y sont encore conservés. Le P. Ezras, élu à la même époque prieur des quatre monastères de Paghèche – Amirdôl, la Sainte-Mère de Dieu, Komk‘ et Avekh –se voit confier par le patriarcat de Constantinople le projet de réunir les revenus de ces établissements en vue d’assurer durablement leur entretien et le financement commun d’une école ou d’un orphelinat.
Le monastère d’Amirdôl comprenait :
• L’église Saint-Jean, subsidiairement dédiée à la sainte Mère de Dieu et à saint Étienne, église triabsidiale vraisemblablement en croix inscrite, à tambour octogonal et coiffe pyramidale reposant sur deux rangées de trois piliers, élevée au début du XVIIe siècle à l’emplacement d’une église homonyme déjà attestée en 1450. Elle avait été entièrement restaurée en 1692-1694 et son tambour rénové en 1850. Elle abritait entre autres les tombes des grands abbés Basile († 1615) et Vartan († 1704), disposées devant le chœur, et à l’angle nord-ouest, celle de l’abbé Zacharie (Zak‘aria, † 1797).
• Au nord de l’église Saint-Jean et des communs, l’église Sainte-Sion, à tambour et dôme, attestée en 1450, confisquée dans les années 1860-1870 et dès lors transformée en mosquée.
• Une enceinte à laquelle étaient adossés des communs, reconstruits au début du XVIIe siècle.
• Un cimetière, situé au-delà des murs au nord-ouest.
• Une glacière.
• Un moulin, établi au sud-ouest du monastère, sur une dérivation de la rivière de Khosrov conduisant en amont jusqu’au monastère de Komk‘.
Le monastère possédait des terres et des propriétés en ville.
Confisqué après la Grande Guerre, le monastère d’Amirdôl a été entièrement détruit.
Épriguian, 1903-1905, i, 377-380. Guléssérian, 1904, 1-89, 144-146. Oskian, 1940-1947, III [1947], 896-914, 919-937. Akinian, 1952, passim. Devgants, 1985, 100-102. Thomson, 2001, 105-117.