Le monastère de Saint-Jacques est situé dans la chaîne de l’Anti-Taurus à 37° 59' N et 36° 05' E et à 1300 m d’altitude, au pied d’une montagne à laquelle il a donné son nom (Sourp Hagop). Un pont homonyme, qui enjambe à l’ouest de Hadjën [Sayimbeyli] la rivière Tchatakh [Obruk Çay], un sous-affluent du Sihoun [Seyhan], le relie à cette ville.
Si l’on écarte une incertaine attribution au XIe siècle, le monastère est attesté tout d’abord au XVIe siècle à l’occasion d’une restauration menée à bien en 1554 par l’évêque Khatchadour. Son essor est probablement lié à celui de ville de Hadjën, ou Hadjin, dont on situe le développement au XVe siècle, après la chute du royaume arménien de Cilicie (1375), l’associant au repli progressif de plusieurs seigneuries arméniennes dans les hautes vallées situées au nord de Sis [Kozan], où elles parviennent à se constituer en entités autonomes. Le nom même de Hadjën a été mis en rapport avec celui de Harkan ou Hargan, localité qu’on place en aval de la ville actuelle et siège d’un évêché aux XIIe-XIIIe siècles. C’est sans aucun doute à cet évêché qu’a succédé celui de Hadjën, dont les titulaires ont eu le plus souvent pour résidence le monastère de Saint-Jacques.
Après que le siège catholicossal d’Édchmiadzin a été restauré en 1441, sans laisser vacant pour autant celui de Sis, en Cilicie (v. n° 9, 73), il faut attendre le XVIIIe siècle pour trouver sur le siège cilicien des catholicos originaires de Hadjën. Jean V de Hadjën (Hovhannès Hadjëntsi, 1705-1721) occupe le siège de Sis mais doit se retirer en 1708 dans sa ville, vraisemblablement au monastère de Saint-Jacques, après avoir accepté de partager sa fonction avec Pierre II de Bérée [Halep] (Bédros Périatsi, 1708-1710), bientôt écarté. Quelque vingt ans plus tard, la mort à Amasie/Amasia de Grégoire III de Césarée [Kayseri] (Krikor Guessaratsi) permet en 1729 à un parent de Jean V, le prêtre Der Atam, d’occuper le siège sous le nom de Jean VI. La décision impériale de réserver le siège cilicien à la famille Adchabahian, de Sis, privilège que celle-ci conservera jusqu’en 1865, l’oblige cependant à céder en 1733 le trône catholicossal à Luc Ier (Ghougas Adchabahian). Jean VI retourne à Hadjën et dans son monastère, où on le trouve encore présent en 1742. Un atelier de copie est attesté dans le monastère en 1774.
Primat diocésain de Hadjën et supérieur du monastère de Saint-Jacques, l’archevêque Bédros Der Melkonian (1853-1885) achève en 1885 de restaurer ce dernier. Auparavant il avait été locum tenens du siège de Sis après la mort du dernier des Adchabahian en 1865, et avait accueilli en 1882 dans les murs du monastère un séminaire que le catholicos Mgrditch Ier Kefsizian avait d’abord tenté d’installer à Aïntab [Antep]. D’autres travaux ont lieu en 1900, dans le but de doter le séminaire d’un bâtiment adapté et d’y accueillir des orphelins. En 1909, pendant les massacres de Cilicie, le monastère est attaqué et incendié. Il revient à l’évêque Bédros Saradjian de reconstruire à partir de 1910 les bâtiments ruinés et d’y installer un nouvel orphelinat ainsi qu’une fabrique. Déporté en 1915 avec la population arménienne, il échappe à la mort, retourne à Hadjën mais doit à nouveau la quitter en raison des attaques kémalistes ; celles-ci aboutissent en octobre 1920 à la prise de la ville que les troupes françaises n’avaient pas cherché à dégager, et au massacre des rescapés arméniens qui y étaient revenus. Après s’être consacré en 1921 à la construction à Nicosie du collège arménien Melkonian, Mgr Bédros Saradjian deviendra vicaire patriarcal puis, en 1940, catholicos de la Grande Maison de Cilicie, à Antélias, au Liban.
Le Monastère de Saint-Jacques de Hadjën comprend :
• L’église Saint-Jacques, édifice triabsidial long d’environ 19 m à coupole sur tambour polygonal et à crypte, élevée ou restaurée au XVIe siècle. Elle était précédée à l’ouest d’un porche à trois arches frontales et deux arches latérales, dont le niveau supérieur, intégré à l’église, était aménagé en tribune. L’ensemble avait été couvert d’une toiture de tuiles à quatre versants.
• Une sacristie, accolée à l’absidiole sud.
• La résidence épiscopale, reconstruite après 1909 au nord de l’église.
• L’orphelinat, vaste bâtiment à trois niveaux reconstruit au sud de l’église après 1909.
• D’autres bâtiments communs.
• Un fontaine.
• Une enceinte.
Le monastère possédait des biens fonciers. À la Saint-Jacques s’y déroulait un pèlerinage de nuit.
Confisqué après la Grande Guerre et la rétrocession de la Cilicie, le monastère de Saint-Jacques de Hadjën a été en grande partie détruit. Dans les années 1980, tous les bâtiments communs avaient disparu. Il ne restait de l’église que le bloc absidial et quelques pans de murs au nord et à l’ouest. D’est en ouest, toute la partie sud était occupée par une vaste habitations élevée avec les pierres prises à l’édifice. La crypte servait de fosse sceptique. Ces vestiges se sont considérablement dégradés depuis.
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