Le monastère de Saint-Ananie est situé à 38°25’ N et 42°10’ E dans le village de Bor [Değirmenaltı], au nord de Paghèche [Bitlis], sur un embranchement quittant par la droite la route de Tadwan [Tatvan]. À peu de distance et en amont du village se trouve un second monastère, Saint-Jean (Sourp Hovhannès). Ce dernier a été aussi appelé simplement Monastère de Bor (Bora Vank‘).
Le premier est cité en 1418 sous le vocable de Saint-Ananie (Sourp Anania) et de Saint-Georges (Sourp Kévork) dans le colophon d’un manuscrit exécuté sur place, et à nouveau en 1575 ; mais son église, à en juger par la forme et par divers éléments architecturaux, est un édifice paléochrétien des V-VIe siècles. L’oratoire Saint-Jean (Sourp Hovhannès) du second, de petites dimensions, est attribuée au VIIe siècle, mais a subi des restaurations ultérieures. Saint-Jean est cité en 1578 et 1584. Les deux établissements ont certainement été tenus pour un ensemble, avant que Saint-Ananie ne serve à la localité d’église paroissiale.
Stèle à croix datée de 1496, 2012 (Coll. Maguesyan).
L’église Saint-Ananie a été rénovée en 1466 et s’est vu adjoindre un narthex au cours de ce même XVe siècle. Un narthex a été élevé également devant l’église Saint-Jean. Le XVe siècle est celui de l’épanouissement de la localité de Bor et de ses établissements religieux, comme en témoignent plus d’une douzaine de stèles à croix dressées à cette époque, dont plusieurs stèles géantes. L’activité scripturaire se maintient au XVIe siècle, mais décline au XVIIe. Bor a été la patrie de deux importants personnages : Arak‘el de Paghèche, un auteur de la première moitié du XVe siècle, élève du savant Grégoire Dzérents (Krikor Dzérents, † 1421) à Khlat‘ [Ahlat] – lequel avait auparavant dirigé l’université monastique d’Ardzwaper (n° 7) – et plus tard abbé du monastère des Grands Noyers (n° 62) ; Mgrditch Naghache († vers 1473), poète, copiste et enlumineur, nommé en 1430 évêque « d’Amida (Dikranaguerd [Diyarbakır]) et de Mésopotamie », le bâtisseur sur les hauteurs de la forteresse d’Arghën [Ergani] du monastère de la Sainte-Mère de Dieu à la Vue Étendue (n° 67). Dans la deuxième partie du XIXe siècle, un même religieux administrait le monastère, avec ses terres arables et pâturages, et la paroisse de Bor.
Le monastère de Saint-Ananie (A) est composé de l’église homonyme, une grande mononef à deux arcs doubleaux, niches latérales sous arcatures et couverture en bâtière de 18,3 × 8,4 m, et d’un narthex (C) ouest transversal à double nef de 12,2 × 13,3 m. Il comprend aussi une chapelle (B) située à une courte distance, au sud, qui répond peut-être à la dédicace à saint Georges mentionnée aux XVe et XVIe siècles par les textes. De son côté, Saint-Jean comprend un oratoire de 6,2 × 4 m prolongé de 8,3 m à l’ouest par un narthex également transversal et à double nef, et donnant au sud sur une cour. L’ensemble est complété par plusieurs alignements de stèles à croix, partant des façades sud de Saint-Ananie et de son narthex ; ces stèles, dont deux atteignent 4 m de hauteur, sont datées – pour celles qui portent des dates – des années 1449, 1456, 1496 et 1513. Une stèle était aussi visible à Saint-Jean.
Plan (Thierry, 1989, 358, modifié)
Les monastères de Saint-Ananie et de Saint-Jean de Bor ont été confisqués après la Grande Guerre pour servir d’entrepôts. Dans les années 1970, les narthex des deux églises étaient encore visibles, bien qu’en partie ruinés. Ils ont aujourd’hui quasiment disparu. À Saint-Ananie les pierres de parement, très soigneusement agencées, ont été presque toutes arrachées ainsi que les dalles de couverture. Un mur part de la façade sud derrière la troisième rangée de stèles, tandis qu’une construction vient d’être édifiée à un mètre des hautes stèles de la première rangée. La chapelle attribuée à saint Georges est en ruines. Dans le village, un fragment de stèle sert désormais de fontaine. La stèle de Saint-Jean a, pour sa part, disparu.
Oskian, 1940-1947, III [1947], 941-943. Thierry, 1989, 367-365. Devgants, 1985, 101.